Il y a deux histoires : l'histoire officielle, menteuse, puis l'histoire secrète, où sont les véritables causes des événements. Si l'on ne peut croire en l'une, ni connaître la face cachée de l'autre, nous pouvons nous exercer à en lister les faits et nous attacher à en scruter l'enchaînement.

Puisqu'il s'agit de l'OTAN, il est nécessaire d'en connaître le principe et les conséquences qu'il engendre :

« Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. »


Cet historique chronologique débute au moment de la chute du mur de Berlin et de l'effondrement de l'URSS - souvenez vous, à l'époque où, avec docte sérieux, certains avaient parlé de la "Fin de l'Histoire".
On mesure à présent la stupidité du propos.


On trouvera dans ce panorama la démonstration de la constance du plaidoyer de la Russie pour réfréner les ardeurs expansionnistes le l'OTAN et la surdité, tout aussi constante, des Etats-Unis.
Les termes du plaidoyer sont brillamment documentés dans les pages du site "lescrises.fr".


Merci au site "lescrises.fr" pour sa documentation impressionnante à laquelle y ont été ajoutés quelques événements supplémentaires.
 
  OTAN - US RUSSIE
1990 Pourparlers informels entre les dirigeants militaires de l'OTAN et de l'Union soviétique
Promesses faites à l’URSS de ne pas étendre l’OTAN à l’Est.
1990 Le FCE (traité sur les forces armées conventionnelles en Europe) dispose de la destruction d’énormes quantités d’armes de l’ex-bloc soviétique entre 1992 et 1995.
1990 Les US promettent que la Russie pourra, un jour, intégrer l’OTAN. Démantèlement des arsenaux ex-soviétiques dans les anciens pays du Pacte de Varsovie
Août 1990 Irak : 1ère Guerre du Golfe (Bouclier du désert) en réaction à l’invasion du Koweit par l’Irak avec le soutien de l'ONU et d'une coalition internationale.  
  Affaire des couveuses au Koweït - propagande de guerre mensongère grossière, faisant état de massacres de bébés koweitis dans les maternités par les soldats irakiens  
1991 Conseil de partenariat euro-atlantique fixe les relations entre l' OTAN et la Fédération de Russie  
Janv 1991 Irak : 1ère Guerre du Golfe (Tempête du désert) en réaction à l’invasion du Koweit par l’Irak avec le soutien de l'ONU et d'une coalition internationale. La Tchéchènie proclame son indépendance
1992 Somalie : Opération Restore Hope dans le cadre de l’ONU La Tchéchènie refuse de signer le traité constitutif de la fédération de Russie
1993 Macédoine : Intervention dans le cadre de l’ONU  
1993 Plan secret pour une extension progressive en 10 ans, avec une adhésion simultanée de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie. Eltsine écrit à Clinton que «l’esprit des accords de 1990 interdit l’option d’étendre l’OTAN à l’Est»
  Clinton promet qu’il mettra tous les pays sur un «pied d’égalité» (dont la Russie), et qu’il n’y aura «pas d’adhésion» (à l’OTAN des pays de l’Est) Eltsine est rassuré
1994 Haïti : Opération UpHold Démocraty pour installer le président Jean-Bertrand Aristide La Russie entre en guerre avec la Tchéchénie, avec l’assentiment des US
Juin 94 Adhésion de la Russie au programme du Partenariat pour la paix  
  Clinton promet que l’expansion de l’OTAN n’est pas anti-russe ; elle n’est pas destinée à exclure la Russie, et il n’y a pas de calendrier imminent  
  Richard Holbrooke, accélère les discussions sur l’expansion de l’OTAN

Clinton : «L’OTAN n’exclura automatiquement aucune nation de l’adhésion. […] Dans le même temps, aucun pays extérieur ne sera autorisé à mettre son veto à l’expansion.»
Eltsine : «Il est important que cette démarche ne crée pas 2 zones de démarcation, mais qu’au contraire, elle consolide l’unité européenne. Cet objectif, pour nous, est contradictoire avec les plans d’expansion de l’OTAN. Pourquoi semer les graines de la méfiance ? Après tout, nous ne sommes plus des ennemis ; nous sommes tous des partenaires maintenant.»
1995 Clinton insiste sur une expansion «progressive, régulière et mesurée» de l’OTAN : et indique à Eltsine qu’il «ne soutiendrait aucun changement qui sape la sécurité de la Russie ou qui redécoupe l’Europe.» Eltsine : «Je ne vois rien d’autre qu’une humiliation pour la Russie si vous continuez […] Pourquoi voulez-vous faire ça ? Nous avons besoin d’une nouvelle structure pour la sécurité paneuropéenne, pas des anciennes ! […] Mais si j’acceptais que les frontières de l’OTAN s’étendent vers celles de la Russie, cela constituerait une trahison de ma part envers le peuple russe»
Août 95 Serbie : Nettoyage ethnique de Krajina en 2 jours par les Croates avec l’appui des US  
Sept 95 Guerre de Yougoslavie : «l’alliance purement défensive de l’OTAN» lance l’Opération Deliberate Force visant à bombarder la République serbe de Bosnie, proches de Russes – qui n’avait pourtant agressé aucun de ses États membres. A partir de 1995, on relève de nombreuses alertes contre l’expansion de l’OTAN de la part de Gorbatchev mais aussi de spécialistes et de diplomates US
1996 Conseil conjoint permanent OTAN-Russie sans aucun droit de Veto pour la Russie
1996   Graves problèmes financiers : le taux d’intérêt des emprunts publics dépasse 100 %, la dette doit être restructurée. Banqueroute en août 1998. L’État russe est «au bord du gouffre financier» et il ne subsistait plus que grâce au soutien international, donc celui des Américains.
La Russie était désormais trop faible pour défendre ses intérêts fondamentaux face à l’expansion de l’OTAN.
Août 96   Défaite de la Russie et signature d’un accord de paix avec la Tchéchènie
Mai 97 Sommet de l'OTAN à Paris, France, OTAN et Russie signent un acte fondateur sur les relations mutuelles, la coopération et la sécurité et une feuille de route pour une éventuelle coopération entre l'OTAN et la Russie
Juil 97 Sommet de Madrid : expansion de l’OTAN Protestation russe
1998 Irak : 4 jours de bombardement aérien sur des objectifs militaires et industriels  
20 Août 98 Suite aux attentats contre des ambassades US en Afrique
Soudan : Bombardement d’usine de médicaments
 
20 Août 98 Suite aux attentats contre des ambassades US en Afrique
Afghanistan : Bombardement de camps d’entraînement
 
Janv 99 Entrée dans l’OTAN de la Hongrie, de la Tchéquie et de la Pologne  
Mars 99 Guerre de Yougoslavie : «L’alliance purement défensive de l’OTAN lance, sans l’accord des Nations-Unies, la première opération d’envergure de son histoire, l’Opération Allied Force visant à bombarder la Serbie, alliée historique de la Russie, – qui n’avait pourtant agressé aucun de ses États membres. 78 jours de bombardement. Eltsine fait bien comprendre à Clinton que ce choix signe la perte de la confiance du peuple russe, «il n’y aura plus un tel dynamisme ni une telle amitié [entre nous] comme auparavant. C’est terminé.»
  KOSOVO – propagande de guerre mensongère
Présentation d’un supposé «plan secret serbe visant à expulser par la force les Albanais de souche du Kosovo.» qui est une opération d’intox de la Bulgarie «qui fait alors du zèle pour rentrer dans l’OTAN»
Le 7 sept 2001, l’ONU officialise le fait qu’il n’y avait jamais eu de génocide au Kosovo, ni des dizaines de milliers de morts
La guerre du Kosovo met fin à l’amitié entre Clinton et Eltsine, et entre les États-Unis et la Russie.
  Les États-Unis se permettent désormais de lancer des offensives militaires sans l’accord des Nations-Unies Malgré un accord de âix avec la Russie, le président tchéchène Maskhadov n'arrive pas à maîtriser ses chefs de guerre qui rêvent d'un Caucase islamique destiné à regrouper toutes les républiques voisines. Incursion tchéchènes au Daghestan et attentats à Moscou.
  Création d’un État du Kosovo reconnu par seulement la moitié de la planète, régulièrement accusé d’être un État mafieux, et dont le Président est le seul au monde accusé d’avoir trempé dans un trafic d’organes. Début de la seconde guerre de Tchéchènie. Guerre meurtrière et très violente.
Début 2000   Fin de la seconde guerre de Tchéchènie qui se solde par la réintégration de la Tchéchènie dans la fédération de Russie
2001 Afghanistan : 24 heures après les attentats du 11 septembre, les Alliés de l’OTAN invoquent le principe de l’art.5 de l’OTAN (agression militaire d’un des membres de l’alliance), pour la 1ère fois. Ceci entraîna la création de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) ou International Security Assistance Force (ISAF) qui opéra en Afghanistan de 2001 à 2021.  
2002 Création du Conseil Russie-OTAN pour traiter des questions de sécurité et des projets communs
Mars 2003 Déclenchement de la seconde guerre du Golfe. propagande de guerre mensongère : Guerre « préventive » contre des prétendues armes de destruction massive que détiendrait Saddam Hussein sans accord de l’ONU.  
Mars 2004 Entrée dans l’OTAN de la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie 5 pays membres de l’OTAN ont une frontière terrestre commune avec la Russie : la Norvège comme depuis 1949 (200 km), l’Estonie (320 km), la Lettonie (270 km) ainsi que la Lituanie (270 km) et la Pologne (200 km), via l’enclave de Kaliningrad.
2004 Haïti : Coup d’état – les US, le Canada avec le soutien de la France destituent le président Jean-Bertrand Aristide  
Fin 2004 Ukraine : la révolution orange marque un rapprochement de l'Ukraine avec l’OTAN et l’UE  
Mars 2007   Poutine – Conférence annuelle de Munich sur la Sécurité :
«Les blocs de béton et les pierres du Mur de Berlin sont depuis longtemps des souvenirs. Mais il ne faut pas oublier que sa chute est devenue possible notamment grâce au choix historique de notre peuple – le peuple de Russie – en faveur de la démocratie et de la liberté, de l’ouverture et du partenariat sincère avec tous les membres de la grande famille européenne.»
Avr 2008 Politique de «la porte ouverte»
L’OTAN promet à l’Ukraine et à la Géorgie qu’elles rejoindraient l’organisation.
Poutine proteste
Août 2008 Géorgie : Assaut des troupes géorgiennes qui fait 12 morts dans les forces de maintien de la paix de la Communauté des États indépendants (CEI, à prépondérance russe) Après plusieurs jours d’accrochages frontaliers entre la milice des séparatistes sud-ossètes, soutenue et formée par la Russie, et l’armée géorgienne
Avr 2009 Entrée dans l’OTAN de la Croatie et de l’Albanie  
Août 2009 Côte Est-africaine : «L’alliance purement défensive de l’OTAN» lance l’Opération Ocean Shield visant à détruire des navires de pirates le long de la côte est-africaine. Elle a duré 7 ans.  
Mars 2011 Lybie : «L’alliance purement défensive de l’OTAN» lance l’Opération Unified Protector visant à bombarder la Libye – qui n’avait pourtant agressé aucun de ses États membres. Cette guerre mine la confiance de la Russie dans l’OTAN qui a violé l’accord obtenu avec elle au Conseil de Sécurité de l’ONU.
  Propagande de guerre mensongère grossière, faisant état de massacres à grande échelle par Kadhafi contre sa population  
Mai 2011 L'OTAN et la Russie participent à un exercice naval conjoint
Juin 2011 L'OTAN et la Russie participent à leur tout 1er exercice aérien, baptisé "Vigilant Skies 2011"
Déc 2011 Retrait des forces US d’Irak  
Déc 2012 Turquie/Syrie : L’OTAN mène l’Opération Active Fence, qui vise à protéger la région de la frontière sud de la Turquie avec la Syrie dans le cadre de la guerre civile syrienne, par le déploiement de missiles Patriot.  
Nov 2013 Euromaïdan : manifestations pro-européennes en Ukraine, ayant débuté à la suite de la décision du gouvernement ukrainien de ne pas signer un accord d'association avec l'UE au profit d'un accord avec la Russie  
Déc 2013   Difficultés financières Ukrainiennes : Poutine annonce la levée des barrières douanières entre l’Ukraine et la Russie, ainsi que son intention de baisser le prix de son gaz et d’offrir au gouvernement ukrainien un prêt de 15 mrds de dollars. Lors des négociations entre l’UE et l’Ukraine, le premier ministre ukrainien Mykola Azarov avait demandé à l’UE un prêt de 20 mrds d’euros, qui lui fut refusé, l’UE promettant néanmoins une aide financière.
Fév 2014 La Russie et l'OTAN élaborent des plans pour protéger conjointement le MV Cape Ray, (navire de transport US) utilisé pour le démantèlement des armes chimiques syriennes 
Fév 2014 Euromaïdan : destitution du président pro-russe Viktor Ianoukovytch, et la mise en place d'un nouveau gouvernement pro UE et pro OTAN dirigé par Arseni Iatseniouk  
Mars 2014 Ukraine-Maïdan : Le président Yanoukovitch (pro-russe) est chassé du pouvoir au profit de Iatséniouk (pro UE) à la suite des événements troubles de Maïdan Crimée : naissance de la République autonome de Crimée.
16 mars : référendum d’autodétermination.
La Russie reconnaît la Crimée et l’accueil dans la fédération de Russie
Avr 2014 Crimée : Condamnation de "l'intervention militaire illégale de la Russie en Ukraine et la violation par la Russie de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine" Donbass : Sécession des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk
Mai 2014   Donbass : référendum d’autodétermination
2014 Guerre du Donbass : Entre 2014 et 2015, la guerre a causé plus de 15 000 morts et le déplacement de près de 2 millions de personnes Suspension de la coopération russo-ukrainienne à la suite de la crise ukrainienne (Maïdan)
Sept 2014 Guerre du Donbass : Accords de Minsk I
Fin 2014 L’Ukraine abandonne son statut de «pays non-aligné»  
Fév 2015 Guerre du Donbass : Accords de Minsk II ; Cessez le feu mais combats sporadiques jusqu’en 2019 du fait de la non application du traité par les ukrainiens.
Mars 2015 Yémen : Soutien US aux 2 opérations dites «opération Tempête décisive» et «opération Restaurer l’Espoir» menée par l’Arabie Saoudite et son alliance arabe  
2017 Entrée dans l’OTAN du Monténégro  
2019 L’Ukraine a inscrit dans sa Constitution sa volonté d’adhérer à l’UE et à l’OTAN.  
Mars 2020 Entrée dans l’OTAN de la République de Macédoine du Nord  
Juin 2020 L’OTAN accorde à l’Ukraine le statut de partenaire «nouvelles opportunités»  
Fév 2021 Le président ukrainien indique que sa 1ère question à Joe Biden concernerait l’adhésion de son pays à l’OTAN.  
Avr 2021 Fin de l’opération afghane de l’OTAN :
Retrait des troupes US d’Afghanistan
 
Juin 2021 Le président ukrainien demande à Biden de lui répondre par «oui» ou «non» pour l’adhésion de l’Ukraine.  
Sept 2021 Le président ukrainien rencontre Biden, et lui demande… d’accélérer l’adhésion de l’Ukraine. Biden n’ayant pas refusé, la Russie commence à déplacer certains de ses soldats près de la frontière russo-ukrainienne.
Oct 2021   La Russie indique qu’elle estime que la taille de l’armement militaire de l’Ukraine opéré par l’OTAN menace sa sécurité, même si l’Ukraine n’est pas encore membre de l’OTAN
Nov 2021   Poutine : l’Occident prend les lignes rouges de la Russie bien trop à la légère.
7 Déc 2021   Poutine demande à Biden des garanties sur le non-élargissement de l’OTAN.
9 Déc 2021 La réponse de Biden est de dire à l’Ukraine que son adhésion à l’OTAN repose entre ses mains.  
10 Déc 2021 L’OTAN refuse de donner à la Russie les garanties qu’elle demande.  
16 Déc 2021 Le président ukrainien est reçu à l’OTAN.
Et dans la foulée de ce sommet, l’OTAN et l’UE menacent la Russie.
La Russie a alors demandé par écrit aux États-Unis un engagement à ne plus étendre l’OTAN.
Janv 2022 Fin de non recevoir de la part des US aux sollicitations de Poutine  
Janv-Fév
2022
Les ukrainiens reprennent les combats dans le Donbass et bombardent les populations La Russie accueille 115 000 réfugiés du Donbass
24 fév 2022   Début de l’opération militaire russe en Ukraine

Quand les prix de l'énergie chauffent, ça caille dans les chaumières

Les prévisions météo nous annoncent un hiver très rude. C'est une info banale.
La demande en énergie va donc augmenter. Conséquence logique.

Mais il ne suffit pas de prévoir la météo, ni seulement de prévoir la demande. Il va falloir fournir ! Et cette année l'exercice promet d'être particulièrement difficile.

Disponibilités, Prix du MW/h, géopolitique, ... Voici les données. Des données qui décrivent le contexte dans lequel vont évoluer nos capacités de consommation et nos achats de couvertures.

On nous dit souvent que la France est un des pays les plus sûr en matière de sécurité énergétique grâce à ses centrales nucléaires. Mais une sorte d'alignement des planètes met à mal cette certitude.

Tout d'abord, cet hiver entre 5 et 15 réacteurs seront éteints selon les semaines, sur les 56 que possède notre pays.

Evidemment une fois de plus le Covid a bon dos :

- Les fermetures sont devenues inéluctables en raison de maintenances non effectuées l'année passée pour cause de Covid
- La consommation serait accrue pour cause des modes de vie apparemment plus électrivores en période de pandémie (?)

https://www.rtl.fr/actu/economie-consommation/penurie-d-electricite-vigilance-renforcee-pour-eviter-des-coupures-de-courant-cet-hiver-7900098765


Sur cette image, 2 réacteurs de Chooz et 2 réacteurs de Civeaux sont déjà programmés à l'arrêt.

Nous avons donc là une première tenaille.

Une des conséquences est que la France est devenue, depuis un moment maintenant (et pas seulement à cause de la pandémie), plus importatrice qu'exportatrice d'électricité. Le pays dont elle importe le plus est l'Allemagne via ses centrales thermiques. Ce qui remet d'ailleurs en cause la vertueuse empreinte bas carbone de la France.
La France est donc dépendante de l'Allemagne en matière énergétique dès lors que la demande atteint un certain seuil.


Sur ce graphe les importations heure par heure. En orange le fournisseur Allemagne-Belgique

Cette dépendance représente une seconde tenaille.

Vient maintenant la question du prix.
Depuis plusieurs mois, la note explose pour la France (en tête de peloton) et partout en Europe, Allemagne y compris.



Sur le site https://www.energylive.cloud/ qui relève en temps réel le prix de l'électricité appliqué à chaque pays, on trouve depuis plusieurs semaines la France en haut de la liste des pays les moins bien lotis en matière de tarif énergétique. Récemment, on s'effarait sur les réseaux de voir la France négocier à plus de 350€/MWh... Nous en sommes à l'heure de rédiger cet article à 452.94€/MWh.

On notera aussi pour avoir un ordre d'idée que depuis des décennies la France achète son énergie entre 40 et 50€ le MWh. Le graphe suivant montre qu'en 1 an ce tarif a été multiplié par 10 !



Sur le marché allemand, l'effet est plus soudain encore puisqu'il passe d'une moyenne d'environ 25€ à 430€/MWh - un facteur 15 !!



Voilà donc une tenaille à 3 mâchoires. Y en a-t-il d'autres ?
Hé bien oui ! comme en témoigne un article de Bloomberg qui parle ni plus ni moins d'Energy Crunch en Allemagne.

Extrait de l'article : "L'Allemagne est sur le point de fermer près de la moitié de sa capacité d'énergie nucléaire avant la fin de l'année, mettant encore plus à rude épreuve les réseaux européens déjà confrontés à l'une des pires crises énergétiques de l'histoire de la région."

4ème mâchoire. Mais ce n'est pas terminé !!

L'Allemagne est à son tour dépendante de la Russie.
Pour des raisons géopolitiques (soumission aux US), l'Allemagne n'a toujours pas validé l'ouverture du Nord Stream 2 (Gazoduc Russe construit pour alimenter l'Europe). Ce qui ne donne pas de très jolis graphes de prix du gaz en Europe.



Où l'on voit que du 22 février 2021 au 21 décembre 2021 (en 11 mois) le prix du gaz en Europe a été multiplié par 10 !! Malgré les gesticulations du limaçon Bruno Le Maire...

5 mâchoires. Mais ce n'est toujours pas fini !!!
Il y a un autre gazoduc russe qui alimente l'Europe. Plus ancien. Le Mallnow.
Et sur ce graphe, on voit que les russes ont coupé littéralement le robinet !!!



Et pour finir, la Russie subit une vague de froid intense (-21°C à Moscou) qui l'amène à garder pour elle une partie de ses ressources en gaz.
Ainsi le flux d'un autre gazoduc, le Yamal Pipeline, est rediriger vers le réseau intérieur russe et de ce fait n'alimente plus ses aboutissants européens.
https://www.reuters.com/business/energy/russian-gas-flows-germany-via-yamal-europe-stop-gascade-data-shows-2021-12-21/



Donc pour résumer :

La France doit couper 5 à 15 réacteurs nucléaires cet hiver.
La France est importatrice massive d'électricité et dépend notamment de l'Allemagne.
La France négocie à des tarifs records son électricité 10 fois plus cher qu'il y a un an (450€/MWh).
L'Allemagne négocie à peine mieux (15 fois plus cher qu'il y a un an) à 430€/MWh donc revend au mieux de ses intérêts.
L'Allemagne est en pleine réorganisation énergétique et subit un Energy Crunch, ce qui n'arrange rien.
L'Allemagne est dépendante des russes pour le gaz mais refuse d'ouvrir le gazoduc Nord Stream2 pour plaire aux US.
La Russie a fermé le robinet du vieux gazoduc Mallnow.
La Russie redirige le flux du gazoduc Yamal vers son réseau intérieur en raison d'une vague de froid intense (-21°C à Moscou)


Ce qui n'empêche pas le site de RTL de rassurer en relatant la nécessaire vigilance des particuliers et des entreprises :
"Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) a fait le point sur les mois à venir en France. Jusqu'à la fin de l'année, tout va bien se passer. Mais la situation risque d'être plus compliquée en janvier et février."

Dormez tranquilles gentes personnes, mais surtout n'oubliez pas vos couvertures et autres petites laines...

Les appels à l’union des Gilets Jaunes ont été nombreux dès les premiers jours.
L’émergence spontanée du mouvement, sa jeunesse ensuite, son hétérogénéité parfois n’ont pas permis que ces appels soient entendus et couronnés de succès.

 

Pour autant, les expériences de partages de connaissances, les échanges de points de vue, les élaborations communes de projets se sont multipliés tandis que l’émulation des regroupements en manifs et sur les ronds-points entretenaient ces énergies qui ne demandent qu’à fusionner.

 

Cette fusion, ce désir d’union est là, présent dans tous les cœurs, douce utopie pour certains, solution incontournable pour d’autres mais une chose est sûre : si on ne la concrétise pas, personne ne saura jamais ce qu’elle aurait donné.

 

Voilà pourquoi, en toute logique et poussés par l’exigence morale de nos consciences sociales et politiques, nous entreprenons ce que tous, nous appelons de nos vœux: l’union des Gilets Jaunes et des citoyens "éveillés". Eveillés, car nous devons nous le dire entre nous, ce qui nous unit est justement cette conscience aiguë d’être des citoyens au cœur d’une société sur laquelle nous avons des droits et des devoirs. Cette conscience, étrangement, constituera en notre esprit le premier centre d’intérêt de nos vies tant que ces droits et ces devoirs ne seront pas rétablis.

 

Tout cela fait de nous des militants plaçant au-dessus de tout, nos idées et nos convictions. Chevillées au corps, nous ne pouvons accepter de continuer sans rien faire ni rien dire et, parce que nous n’avons pas le choix, nous ne pouvons faire autrement que de mettre en commun nos forces pour qu’adviennent et reviennent les libertés perdues, l’espoir assassiné et les avenirs bouchés.

 

L’alternative est d’une clarté glaçante : nous unir ou sombrer dans les ténèbres d'une dictature orwellienne qui se dresse chaque jour toujours plus monstrueuse.

 

 

Les Droits de l’Homme, les Dix Commandements, l’Esprit des Lumières, les canons de bienveillance religieux ou pas, toutes ces belles résolutions qui portaient sens au temps de nos ancêtres seront à jamais lettres mortes sans le sursaut vital dont l’Humanité a besoin.

Nous avons la lourde mission de détrôner les puissances technocratiques, cravatées, costard et attaché-case en emblème, idolâtres de tableaux excel et assoiffées de fontaines d’argent numérique coulant comme le sang déshumanisé d’un corps dont l’agonie silencieuse est occultée par des milliards d’écrans, paravents hypnotiques vomissant à l’infini des images gesticulantes et sans cervelle.

 

L’union pour soigner la nausée et l’écœurement.

 

Le bon sens, la petite morale, les grandes vertus, la politesse et le savoir-vivre, toutes ces petites rivières qui forment le fleuve de la justice en passant par la justesse, l’égalité et l’équité, le respect et la compassion, sont devenus ringards et désuets. Le contrat social aussi est devenu lettres mortes. La solidarité est un instrument et la gentillesse un défaut, tandis que la cupidité est une qualité et l’égoïsme un pré-requis.

Nous avons la lourde mission de détrôner les fâcheux festoyant sans vergogne en banquets, au vu et au su de populations réduites à la misère, fâcheux insensibles aux innombrables destins qu’ils ont eux-mêmes, en toute conscience, brisés.

 

L’union pour soigner la dérive de ce qui fait humanité.

 

La majesté mystérieuse des grands arbres, la fragile persistance des fleurs, la vitalité des cultures, l’élégance des paysages résistent encore autour de nous, comme une mère indulgente face aux inconséquences de ses enfants. Elle mourra peut-être pour que nous vivions encore un peu. Mais après, qu’adviendrons-nous ? Nous sommes ses enfants sages, conscients de ses sacrifices et des peines que nous lui causons.

Nous avons la lourde mission de détrôner les frères et sœurs irrévérencieux, racailles de notre Terre, vandales irrespectueux, faux-monnayeurs de rêves électroniques, marchands du Temple sans passé donc sans avenir.

 

L’union pour soigner la vie.

 

Voilà où nous en sommes : purement et simplement au pied du mur.
L’union pour nous donner une chance de le franchir.

 

Jean-Charles Aknin
Mai 2020

Article sur Marianne.net Publié le 24/04/2020

D’aussi loin que je me souvienne, le monde avait toujours été réglé comme une horloge. Il fallait travailler pour vivre, consommer pour se sentir heureux, et voter pour que rien ne change. Éternel recommencement d’une histoire sans fin dont nous étions tous prisonniers. Le Dieu argent dominait l’Homme et détruisait la nature. Les plaisirs éphémères avaient remplacé la quête d’un idéal fondé sur le bonheur et l’harmonie. Sans mémoire du passé et sans boussole pour l’avenir, nos vies étaient dépourvues de sens. Chacun le ressentait au plus profond de lui, mais s’appliquait à le nier pour ne pas sombrer.

Le prix de la vie

Le monde courait à sa perte, et nous étions là impuissants, hagards, à regarder cette chute inéluctable. Alors que la résignation semblait avoir conquis les cœurs et les esprits, nous voyions la flamme de l’espoir renaître quand les révoltes populaires éclataient aux quatre coins de la planète. Partout, les êtres humains criaient leur colère et leur désespoir. Partout, ils réclamaient la démocratie. La France n’échappait pas à cette vague. Elle en était même le précurseur avec le mouvement des gilets jaunes. L’espoir naissant laissait pourtant vite place à l’inquiétude. Dans la plupart des pays, les frondes finissaient étouffées par des pouvoirs plus autoritaires que jamais. N’était-ce que des sursauts sans lendemain ? Le chant du cygne des peuples ? C’est à ce moment qu’un virus emportant assez d’incertitudes sur son taux de mortalité et suffisamment de certitudes sur sa contagiosité vint, par surprise, nous rappeler combien nos vies étaient fragiles. L’impéritie et l’aveuglement de nos dirigeants inaptes à gérer la moindre crise s’affichaient au grand jour. La mort gagnait du terrain. Nous n’avions plus le choix. Il fallait renoncer à toutes nos libertés pour s’enfermer chez soi.

C’était bien la première fois que dans nos sociétés déshumanisées, nous nous rendions enfin compte que la vie n’a pas de prix. Le cycle infernal s’arrêtait brutalement pour une grande partie d’entre nous. Tout était plus calme, plus silencieux. Nous pouvions redonner de l’espace à notre voix intérieure. Hier, la vie n’était qu’agitation. Aujourd’hui, le temps s’est arrêté, ouvrant l’espace à la réflexion. Penser le "monde d’après". L’enthousiasme est palpable. Un changement complet de paradigme pour un monde nouveau. Et puis peu à peu, à l’image d’un traumatisme qui revient inlassablement nous hanter, revient l’angoisse de l’échec, comme après la Grande Crise de 2008, comme nuit debout, comme les gilets jaunes, comme la grève contre la réforme des retraites. Mais n’est-ce pas le moment d’en finir avec nos peurs qui nous empêchent d’agir ? Posons-nous les bonnes questions, dans l’ordre. Souhaitons-nous vraiment faire advenir un monde meilleur ? Pourrons-nous vraiment construire le "monde d’après" si nous agissons comme avant ? N’est-il pas temps de tirer les enseignements du passé ?

Les leçons politiques du passé

Si une leçon doit être tirée de la période récente, c’est qu’Emmanuel Macron dispose d’une liberté d’action quasiment absolue. C’est ce qui lui a permis en particulier d’écraser les Gilets jaunes par une répression policière et judiciaire sans précédent qui n’a suscité aucune levée de boucliers chez les "élites" de notre pays. Certes, les institutions de la Ve République lui conférant des pouvoirs exorbitants favorisent cet état de fait, mais elles n’en sont pas la source originelle. Aussi dure soit la réalité à accepter, c’est l’éclatement des oppositions politiques et les divisions savamment entretenues par le système au sein de la société qui rendent inefficace toute contestation du pouvoir. Que ferait Macron s’il avait face à lui une large majorité du peuple soudée et fédérée au sein d’une seule et même représentation politique ? Rien. Il ne pourrait plus rien car le pouvoir et les "élites" qui le soutiennent se retrouveraient instantanément disqualifiés. Les institutions, aussi légales soient-elles, ne sont rien sans la légitimité. Sauf qu’en l’état, si la légitimité du pouvoir en place est très largement contestée, il faut se rendre à l’évidence : il n’existe aucune force politique alternative majoritaire dans le pays pour s’y substituer.

Sans appui politique, nous nous condamnons donc à l’impuissance. Les gilets jaunes l’ont appris à leurs dépens. En décembre 2018, ils étaient soutenus par 75% de l’opinion publique. Le pouvoir a tremblé ; les institutions ont vacillé. Mais que s’est-il passé finalement ? Rien. Le pouvoir a lâché des miettes et a pu compter sur l’impossibilité d’instaurer une représentation au sein du mouvement pour jouer la stratégie du pourrissement. L’inorganisation du mouvement a laissé place à l’expression de toutes les voix discordantes et à son infiltration par un certain nombre d’opportunistes. L’absence d’une idéologie cohérente clairement identifiée par l’opinion publique a entretenu la confusion et a effrité progressivement son soutien au mouvement. Voilà comment une révolte du peuple historique par sa nature et sa force a été mise en échec. Les circonstances nouvelles doivent nous permettre de changer la donne. Non par envie, mais parce que nous n’avons plus le choix. Pouvons-nous nous permettre de reproduire les mêmes erreurs à l’heure où tant de décisions fondamentales devront être prises et qui poseront les premiers jalons du monde de demain ? Allons-nous vraiment laisser le champ libre au Président jupitérien dont nous savons qu’il tentera, par tous moyens, de sauver le monde d’avant ? Quand il faudra sauver les gens, il sauvera les banques.

Quand il faudra sauver le pays, il sauvera le CAC 40. Quand il faudra sauver le peuple, il sauvera l’oligarchie. Quand il faudra sauver la démocratie, il sacrifiera nos libertés sur l’autel de la sécurité. Est-ce là l’avenir que nous souhaitons pour nous et nos enfants ? La situation est particulièrement incertaine. Si nous n’y prenons pas garde, le renouveau démocratique tant attendu pourrait bien laisser place au chaos le plus terrifiant, soit par un effondrement des institutions laissant place à l’anarchie, soit par un basculement vers le totalitarisme.

Et demain ?

Le moment crucial que nous vivons commande à chacun de se transcender. Du plus haut sommet des partis politiques d’opposition aux citoyens, le temps des divisions bien souvent artificielles, dérisoires, ou secondaires, doit prendre fin. Pouvons-nous encore privilégier le confort matériel ou psychologique que nous procure l’appartenance à un camp ou la défense d’une identité au détriment de l’intérêt général ? N’est-il pas temps de se parler et de se comprendre avec attention et bienveillance pour faire jaillir nos points d’accord plutôt que de se concentrer sur nos différences ? N’avons-nous pas trop longtemps été les idiots utiles du système qui n’a cessé de nous diviser pour mieux régner ? Avoir raison tout seul, c’est avoir tort.

Par-delà les rêves et aspirations légitimes de chacun, le compromis est un passage obligé pour quiconque souhaite dépasser la théorie pour agir concrètement dans le sens du bien commun. Les conditions d’un tel compromis sont à portée de main si tant est que chacun se montre ouvert à dépasser les clivages traditionnels, les appartenances partisanes, et les étiquettes qui nous enferment et nous coupent les uns des autres. Il faudrait aussi que chacun accepte de dépasser les égos et les intérêts boutiquiers. Seul doit compter les idées. Qui osera s’opposer à l’idée que le politique doit reprendre le contrôle sur l’économie, que le libre-échange est une impasse en ce qu’il nous empêche de relocaliser la production, que l’indépendance de la banque centrale européenne nous privant du contrôle démocratique sur le pouvoir de création monétaire nous asservit aux marchés financiers, que les ultra-riches doivent payer leurs impôts à proportion de leurs revenus pour instaurer une répartition équitable des richesses, et que la nécessité impérieuse de la transition écologique est à ce prix ?

L’Histoire nous regarde

Chacun de nous, en son for intérieur, devra faire le choix du modèle de société de demain : tous ensemble ou chacun pour soi. Par sa devise, la République française a déjà tranché depuis longtemps : Liberté, Égalité, Fraternité. Serons-nous à la hauteur ? L’Histoire nous regarde.

J'ai passé ma journée à refendre des bûches, sous les quatre grands chênes devant la maison. Ma petite chatte était assise à côté, ses yeux bleus et ronds suivaient chacun de mes gestes. Quand mes épaules étaient plus dures que le bois, je m'appuyais sur la hache et nous échangions quelques mots.

Autour de nous la lumière n'avait jamais été aussi belle. Les prés sont déjà d'un beau vert très gras, piqués de géraniums sauvages et de minuscules myosotis. Plus bas, vers le village, les flaques blanches des pâquerettes éclairent le chemin, les épervières allument mille soleils sur les talus. Les collines ont encore leur fourrure de renard.

Il y a trente-six ans, je travaillais dans un hôpital psychiatrique de Marseille, mon corps se couvrait d'eczéma, mes mains, mes bras, mon dos... Un matin je ne suis pas retourné à l'hôpital, je suis parti vers les collines. J'ai posé mon sac dans un minuscule cabanon abandonné. J'ai ouvert un cahier et je me suis mis à écrire, sous une tonnelle bourdonnante d'abeilles, dans une odeur de miel et de genêts. Je n'avais pas un sou. Huit jours plus tard mes mains étaient propres, mes bras aussi. L'eczéma avait disparu. J'avais récupéré mon corps, ma tête, mon temps. J'étais pauvre et libre. Ma vie enfin m'appartenait.

Il y a trente-six ans que j'écris chaque jour, que je marche et que je fends du bois. Il y a trente-six ans que j'évite mes semblables. Si je n'avais pas deux filles, une femme dont je rêve et trois vrais amis, je penserais que l'homme doit disparaître le plus vite possible de la surface de cette terre. Il a fait tellement de mal...
En quarante ans, nous avons massacré soixante pour cent des vertébrés et nous ne sommes qu'au début de la sixième extinction de masse, la première attribuée à l'homme, l'anthropocène disent certains... Nous avons massacré les baleines, les aigles et les faucons pèlerins, le cheval sauvage de Mongolie, le daim de Mésopotamie, nous avons traqué en jeep l'onyx, aux confins du désert, exterminé les derniers rhinocéros de Java, l'ibis du Japon, la grue blanche américaine, les petits paresseux sont au bord de l'extinction. Nous écrasons tout ce qui est vivant, pour notre jouissance ou pour entasser dans des caves blindées des pyramides de billets de banque.
Partout la main de l'homme, l'œuvre de l'homme. Les vrais rapaces, c'est nous ! Nous avons appelé ces massacres la civilisation. Nous succomberons, broyés par cette civilisation.

Coronavirus... Serait-ce le début de la fin ? Nous avons dominé la rage, la poliomyélite, la fièvre jaune, dominerons-nous cette fièvre de l'argent, de la possession, du profit, cette maladie contagieuse du pouvoir, cette certitude que nous sommes plus intelligents que tout ce qui est vivant autour de nous, les forêts, les rivières, les océans, l'air et tous les animaux qui sautent, rampent, volent.

Je suis agnostique, je n'ai jamais mis les pieds dans une église sauf quand elle était très belle, qu'il faisait très chaud. Je ne crois pas au châtiment divin, à la punition dernière, à l'expiation. Je crois à une réaction cosmique, une saine réaction. Une réaction non préméditée, ni religieuse, ni vengeresse, le début du soulèvement de tout ce qui est vivant, face à notre impérialisme cynique et aveugle. Le virus de notre toute-puissance a fait mille fois plus de dégâts, de souffrances, de morts que ce pauvre coronavirus. Nous sommes, sur cette terre merveilleuse, l'espèce la plus criminelle, la plus prédatrice, la plus dangereuse. La vie lentement s'écarte de nous, se méfie de nous, sécrète ses anticorps dans les profondeurs des racines et les molécules de l'eau, de l'air.

Le mot virus vient de venin, poison. Nous sommes le venin et le poison, nous sommes la contagion. Nous nous sommes pris pour les dieux de cette planète. Tout ce qui tentait de vivre nous l'avons méprisé, mis en esclavage. Chacun de nous est l'égal d'un figuier, d'un caillou, d'un ruisseau, d'un ver de terre. Nous avons besoin du ver de terre, il n'a pas besoin de nous. C'est un infatigable laboureur qui travaille jour et nuit pour qu'explose la vie, comme les abeilles, les hérissons, les oiseaux et les nuages.

Le coronavirus est peut-être notre dernière chance. « Il lui avait inoculé le virus redoutable de la vertu », écrit Victor Hugo. Puisse ce virus nous contraindre à cette vertu.

Nous avons quelques mois pour ouvrir les yeux, pour nous rendre compte que dans les banques il n'y a rien, que les vraies richesses sont autour de nous, ces géraniums sauvages, ces bourgeons qui éclatent partout, cette lumière unique qui n'existe nulle part ailleurs. Le paradis est partout. Nous y sommes. La seule intelligence, c'est la vie. Tout ce qui pousse vers la mort est bête, les guerres, la frénésie de l'argent, notre consommation effrénée, la lumière morte de nos écrans, les bonheurs virtuels, l'ère du plaisir instantané. Ce n'est pas le virus qu'il faut combattre désormais mais notre rapacité, notre démence qui nous ont éloignés des rivières car nous leur préférions les fleuves d'argent. Notre vie nous appartient, notre corps nous appartient, notre temps si précieux nous appartient.

Chaque jour depuis trente-six ans j'écris le mot gare et je monte dans un train qui n'existe pas. L'imagination ne consomme aucune goutte de kérosène et m'emmène tellement plus loin. J'ai passé ma vie à lire, écrire, marcher, rêver, fendre du bois et caresser la tête d'un chat. Je vis de presque rien et rien ne me manque. J'ouvre les volets le matin, tout est sous mes yeux, l'herbe pailletée de rosée, la brume rose et verte à l'est, les amandiers couverts d'une neige de fleurs qui éclairent les collines. Ma journée sera semblable à celle d'hier, celle de demain. J'aimerais que cela dure encore mille ans, je ne m'ennuie jamais, je n'ai besoin que de douceur et de beauté.

Je sais pourtant que la mort rôde dans les rues de chaque ville, pousse des portes, escalade à pas de loup des escaliers, se glisse sans bruit dans les maisons des hommes. Quand je pousse mes volets, je ne vois que le printemps, insouciant, jeune à nouveau, lumineux, si heureux de vivre, ivre de sa beauté. Chaque chose est à sa place, la nature est sereine, modeste, équilibrée. Nous nous sommes octroyé une place démesurée et le droit de tout détruire, de tout saccager. Nous n'avons que quelques mois pour regarder le printemps, écouter le printemps, marcher dans le printemps. Nous n'avons que quelques mois pour entrer dans l'été et vivre comme les oiseaux, les feuilles, les nuages et les vers de terre. Nous ne sommes pas en guerre. Nous devons tuer la guerre. Nous devons nous ranger du côté du printemps, de la beauté, sinon nous serons balayés et la terre se refermera sur nous, nous oubliera pour ne se concentrer que sur la vie et les saisons qui passent. Nous n'aurons été pour elle qu'un simple virus parmi des millions d'autres, dans ces milliards d'années.

Il y a trente-six ans, j'ai fait un choix. Je vais descendre fendre mes bûches, caresser la tête de mon chat et j'irai marcher un peu dans la colline, au moins, si je pars demain, j'aurai profité du printemps.

René Frégni

Page FaceBook de l'auteur

Sous-catégories

Catégorie où sont rangées les revendications

Catégorie doléances

Catégorie concernant le RIC

Articles sur le RIP ADP