Mathieu Tartarin, un Français qui, comme tant d’autres, soutient les gilets jaunes, a souhaité s’adresser aux forces de l’ordre qu’il soutient également. Cependant, comme de nombreux autres soutiens des gilets jaunes, il regrette et ne supporte plus les méthodes que le gouvernement ordonne à la police d’utiliser ainsi que leurs conséquences dramatiques : blessés, manifestants dans le coma mutilés, etc.

Cette lettre a été diffusée sur le site Adoxa.Info

Chers membres de la police et de la gendarmerie,

Voilà maintenant neuf samedis que les Gilets jaunes battent le pavé des grandes villes. Voilà surtout plus de deux mois qu’ils manifestent sans discontinuer, dans toute la France : ronds-points, zones commerciales, péages et autres lieux de passage sont investis pacifiquement par des citoyens comme vous, qui n’en peuvent plus de ne pas pouvoir vivre de leur travail, qui n’en peuvent plus d’être méprisés par une certaine classe politique.

Vous l’avez constaté vous-mêmes, le mouvement est bon enfant et il vous suffisait souvent de discuter avec les Gilets jaunes pour dénouer dans le calme les tensions qui pouvaient subvenir. Mais vous avez des ordres, que vous devez appliquer. Et ces ordres vous ont enjoint de chasser sans ménagement les Gilets jaunes des ronds-points.

Surtout, votre hiérarchie, et à travers elle le pouvoir politique, vous a demandé de réprimer très durement les manifestations dans les grandes villes, tout en étant curieusement moins sévères avec certains casseurs, pourtant bien identifiés.
Chaque samedi est une triste litanie de visages défigurés, d’innocents mutilés, de manifestants pacifiques molestés et gazés. Certes, vous, membres des forces de l’ordre payez aussi le prix du sang dans des débordements que nous réprouvons, victimes aussi d’une fatigue, d’une usure physique et morale due à votre surcharge phénoménale de travail.

Pour autant, voir des Gilets jaunes perdre un œil ou une main à cause du matériel en dotation et surtout de la manière dont on vous ordonne de l’employer est honteux. Il est honteux de vous donner l’ordre de gazer des manifestants pacifiques, de leur tirer dessus au LBD 40 à hauteur de visage. Il est honteux de voir Olivier, tiré de dos au flashball à Bordeaux lors de l’acte IX, être plongé dans le coma suite à ses blessures.

Ces ordres, qui vous sont donnés par le ministre de l’Intérieur, sous l’aval du Président de la République et du Premier ministre, sont honteux et mettent la vie de Français en danger. C’est d’ailleurs à cause d’eux que les Gilets jaunes existent. Ce sont eux qui mettent de l’huile sur le feu. À chaque fois qu’ils parlent, ils insultent ces Français qui travaillent tous les jours et qui n’arrivent pas à finir le mois sans être dans le rouge, ils insultent les retraités qui ont travaillé toute leur vie pour notre pays, ils insultent toutes les forces vives de ce pays, dont nous Gilets jaunes et vous, forces de l’ordre, faisons partie.

Vous ne pouvez et ne devez plus défendre ceux qui sont responsables de l’état de notre pays aujourd’hui. Un pompier ne défend pas un pyromane, alors pourquoi protégez-vous ceux qui insultent la France et les Français ? Contrairement, à ce que racontent ces hommes politiques, nous ne voulons pas un putsch, mais le retour aux urnes : que le Président décide de dissoudre l’Assemblée nationale ou qu’il remette son mandat en jeu. Les Français n’ont plus confiance en ce Président élu par défaut et non pour son programme. Les Gilets jaunes, et derrière eux une majorité de Français qui comprennent et soutiennent le mouvement, souhaitent simplement être justement représentés et défendus par ceux dont ce devrait être la mission.

Et si jusqu’à présent, vous avez bénéficié d’un relatif soutien de la part des journalistes « mainstream », ne vous y trompez pas. Certes, ils ont relayé les messages gouvernementaux destinés à faire peur aux Français pour les couper des Gilets jaunes ; certes, ils ont bien souvent regardé ailleurs quand vous appliquiez vos ordres illégitimes.
Mais ce sont les mêmes journalistes qui vous ont cloué au pilori sans preuve lors de « l’affaire Théo ». Ce sont les mêmes journalistes, qui à chaque fois que vous intervenez en banlieue, vous insultent et vous salissent parce que vous touchez à cette fameuse « diversité » qui leur est chère, sans, le plus souvent, la connaître.
Vous savez mieux qu’eux ce que sont les territoires perdus de la République pour y risquer votre vie. Ces territoires où les hommes politiques déversent des milliards pour acheter – en pure perte – la paix sociale.

Vous le savez, malgré l’action des hommes politiques et les discours de journalistes destinés à monter Gilets jaunes et Forces de l’ordre les uns contre les autres, nous partageons les mêmes problèmes et les mêmes attentes. Les taxes et les impôts vous assomment autant que nous ; vous avez plus de raison que nous d’être dans la rue à cause des budgets qu’on vous alloue. Vous devez faire toujours plus d’heures avec toujours moins de personnels et moins de matériels.

Vous l’avez compris, je sais à quel point vous faites un travail difficile et je vous soutiens. Pourtant, l’heure est grave et la France a besoin d’un geste de votre part. Vous ne pouvez pas faire grève, bien sûr, mais d’autres moyens s’offrent à vous pour exprimer votre ras-le-bol de la situation impossible dans laquelle le pouvoir politique vous a enfermés.
Je ne vous demande pas la lune, juste d’aider la France à retourner aux urnes pour qu’elle se dote d’un pouvoir politique qui lui ressemble, qui la défende, qui nous défende.