PDF de la lettre

Monsieur le Ministre,

Le mouvement des Gilets Jaunes dure depuis neuf mois. Tous les week-end nos collègues font usage de gaz à effet lacrymogène en très grande quantité, saturant régulièrement l’air.

La plupart de nos collègues ne disposent pas de masque à gaz et de tenue NRBC, alors même qu’ils utilisent une arme chimique, interdite en temps de guerre par la convention de Genève, comme le confirme le site Check News dans son article du 26 novembre 2018.

Ces grenades à effet lacrymogène sont composées d’un gaz : l’agent CS (Orthochlorobenzylidenemalononitrile).

Sur cet agent, Kamran Loghman, expert reconnu en Amérique, a fait date dans de très nombreuses procédures devant les tribunaux fédéraux. Il est un expert sur la dangerosité des gaz de combat et de maintien de l’ordre. D’après lui :

« Les CS et le CN provoquent tous deux une dermatite et sont des sensibilisants susceptibles de provoquer de très graves réactions allergiques à la suite d'expositions répétées. Les tests toxicologiques ont montré que les animaux morts après une exposition au CS montraient une augmentation du nombre de cellules caliciformes dans les voies respiratoires et dans la conjonctive (la membrane muqueuse des yeux, le long de la paupière et recouvrant une partie du globe oculaire), de la nécrose (la mort des cellules) dans les voies respiratoires et gastro-intestinales, œdème pulmonaire (poumons remplis de liquide) et hémorragie de la surrénale.

La mort résulte d'une altération du transfert d'oxygène dans le sang provoqué par un œdème, une hémorragie et une obstruction des voies respiratoires dans les poumons. Dans le cas d'une substance telle que le CS, l'attention doit être portée sur les produits de dégradation qui se produiront dans le corps humain. Le clivage ou l'hydrolyse en malononitrile et en ortho-chlorobenzaldéhyde est une réaction complète à 50% en environ dix minutes.

On pense que le malononitrile subit une dégradation en cyanure et en thiocyanate, tandis que le reste de la molécule est combiné à la glycine et excrété sous forme d'acide ortho-chlorohippurique. Par conséquent, le malononitrile est une substance hautement toxique trouvée dans le CS. La dose mortelle pour une personne de 70 kilogrammes est estimée à moins d’un gramme. »

Cette analyse est corroborée par les informations collectées par le National Center for Biotechnology Information, US National Library of Medecine (NCBI), c’est-à-dire un organisme public américain de renommée mondiale, auprès de chercheurs américains, anglais, chinois, israéliens, italiens, turcs, etc. Nous avons traduit une partie de ces documents dans notre communiqué du 6 juin 2019, en accès libre sur notre site internet www.vigimi.fr.

Sans avoir à traverser l’Atlantique, la classification fournie par les entreprises à l'ECHA (European Chemicals Agency), indique que cette substance est mortelle en cas d'inhalation. Elle provoque une irritation oculaire grave et peut provoquer une réaction allergique cutanée en irritant les voies respiratoires.

Enfin en France nous avons accès à des dossiers médicaux de soldats français ayant utilisés ces munitions sur 20 missions maximum de 1 à 4 heures et qui ont été gravement handicapés toute leur vie sur le plan respiratoire. Leurs poumons brûlée et nécrosés par les gaz qu’ils déployaient. La Justice a reconnu leur préjudice (Par un jugement du 29 août 2017 dans l’affaire 17/00313, Ministre de la Défense contre Yves CARGNINO).

Nous fonctionnaires de Police, force de l’ordre et gardien de la Paix, notre devoir, notre engagement, notre raison de vivre est de protéger la population et donc d’exercer notre droit de retrait et notre devoir d’information, si nous identifions une situation ou une dérive dangereuse pour notre avenir.

Selon les documents portés à notre connaissance, les matériels dits « lacrymogènes » que l’on nous demande d’utiliser au cœur des tactiques des opérations de maintien de l’ordre sont très probablement extrêmement dangereux, sources de lésions irréversibles, voir mortels, vue les durées d’exposition et les concentrations records auquel, nous forces de l’ordre ainsi que la grande majorité des manifestants et passants.

Notre collègue commandant les CRS, le 28 juin 2019 sur le pont Sully, a fait un malaise avec perte de connaissance par suffocation, à cause de l’usage de ces armes chimiques sur ordre du Préfet de Police de Paris, contre des manifestants pacifiques.

En conséquence le syndicat VIGI vous demande :

  • La composition exacte des grenades qu’on nous demande d’utiliser.
  • Un protocole de décontamination après chaque fin de service où des armes chimiques sont utilisées.
  • Un suivi a minima mensuel par la médecine de prévention pour nos collègues exposés à ces armes chimiques, avec prises de sang, ainsi qu’une vérification du bon fonctionnement des reins et du foie indispensable à l’élimination des toxines par l’organisme.

Ce suivi permettra de protéger la santé de nos collègues. En cas d’empoisonnement, il permettra également de faire reconnaître l’imputabilité au service dans les cas d’invalidité, en vue d’une indemnisation.

  • Des tenus NRBC (vêtements, masques à gaz…) adaptées au maintien de l’ordre pour protéger la santé de nos collègues.
  • La clarification de nos devoirs et de nos responsabilités de policiers de terrain concernant l’usage de ces munitions, afin d’éviter des poursuites à notre encontre. En cas de procès de la part de manifestants, de riverains, de commerçants, voire d’incident diplomatique avec le Qatar dont l’ambassade se situe Place de l’Etoile à Paris, c’est votre éventuelle responsabilité et celle des donneurs d’ordres, qui doit être mise en lumière.

Vu l’urgence sanitaire de la situation, nous attendons votre réponse ou une audience auprès de votre autorité avant le 23 septembre 2019.

En l’attente, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, en mes respectueuses salutations.

 

Alexandre LANGLOIS

Secrétaire Général